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Le harcèlement scolaire

Photo du rédacteur: Nathalie TurquetilleNathalie Turquetille

Dernière mise à jour : 3 déc. 2024


Vaucluse Matin 19 septembre 2023
Vaucluse Matin 19 septembre 2023

Dans le cadre de ma pratique professionnelle et de mon engagement au sein de l'association AILHAS (Association d'Information et de Lutte conte le HArcèlement Scolaire). Je reçois et j'accompagne des enfants, des adolescents victimes de harcèlement scolaire.


Quand ils arrivent dans mon cabinet, le harcèlement est souvent présent dans leur vie depuis de longs mois, voire des années.

Les somatisations (troubles psychologiques qui se caractérisent par des symptômes physiques persistants, accompagnés de pensées et craintes excessives et inadaptées) sont journalières et handicapantes :

- maux de ventre

- maux de tête

- vomissements

- diarrhée

- malaises, évanouissements

- troubles du sommeil

- troubles alimentaires

- etc ....

Ils vont à l'école, au collège, au lycée avec la "boule au ventre", ils trouvent tous les moyens pour ne pas aller en cours, parfois même allant jusqu'à s'inventer des maladies afin de rester à la maison.

Le plus dur, pour eux, est de parler de leur harcèlement. Ils ne le nomment pas, me racontent leur quotidien, le plus souvent à voix basse, recroquevillés sur eux-même, le visage caché dans leur capuche.

Quand ils ont réussi à en parler à leurs parents, ce sont souvent eux qui parlent à la place de leur enfant. C'est trop dur pour le jeune, pas envie de raconter ce quotidien douloureux. Je les vois s'enfoncer un peu plus dans leur fauteuil à chaque parole. Leur douleur est immense.

Ils ont perdu confiance en eux, aux autres, le stress et l'angoisse sont présents au quotidien. Je vois leurs mains qui tremblent, les ongles rongés. J'observe parfois aussi des marques sur leurs doigts, leurs bras, ils se grattent, se mordent à sang pour essayer de faire passer leur peur, leur douleur. Certains se scarifient ...

S'ajoute à ce triste tableau, les problèmes de concentration, les notes qui chutent (alors que beaucoup d'entre eux sont de très bons élèves), l'envie de rien, l'arrêt de l'activité extra-scolaire qui leur tenait tant à coeur jusqu'à maintenant, ne sortent plus, se renferment sur eux-mêmes, ne communiquent plus, deviennent agressif avec la fratrie, un des parents.

Je leur laisse alors le temps de s'exprimer à leur rythme, de les écouter.

Il n'y aucun jugement de ma part, je suis à leur écoute.

Quand les jeunes sont en rendez-vous, c'est leur moment à eux.

Ils peuvent parler sans avoir peur d'être des "balances", des "poucaves" dans leur langage d'ados. Tout ce qui est dit lors d'un rendez-vous ne sort pas du cabinet. C'est entre eux et moi. Une sorte de bulle dans laquelle ils peuvent se libérer, exprimer tout haut ce qu'ils se disent tout bas dans leur tête.

De mon côté, j'analyse la situation, leurs demandes, leurs besoins. Je les observe, je mesure à quel point ils sont affectés par le harcèlement, les répercussions sur leur vie scolaire, familiale, sociale.

Mon accompagnement consiste à ce que le jeune reprenne confiance en lui, aux autres, reprenne conscience de ses qualités, de ses forces, analyse, comprenne et régule son stress, ses angoisses. Un travail d'équipe qui sera long, qui connaitra des hauts et des bas et un travail nécessaire pour que le traumatisme vécu lors de harcèlement ne soit pas un handicap pour sa vie de futur adulte.

Quand le traumatisme lié au harcèlement est trop important, handicapant au quotidien pour le jeune et sa famille (phobie scolaire, phobie sociale, agoraphobie, dépression, pensées suicidaire ...) je ré-oriente auprès de psychologues, de psychiatres.

Les parents ne sont pas oubliés. Eux aussi souffrent de cette situation, ils se sentent démunis, perdus, ils culpabilisent car ils n'ont rien vu venir et surtout n'ont pas réussit à prendre conscience de l'ampleur de la situation plus tôt. Je prend le temps de les écouter eux aussi, de les rassurer. Le travail d'équipe se fait aussi avec eux.

Je leur donne les infos concernant l'association, libre à eux de faire appel à elle ou non.


Vaucluse Matin 19 septembre 2023
Vaucluse Matin 19 septembre 2023

Théo fait parti de ces jeunes que nous accompagnons au sein de l'association.

Depuis son tout 1er RDV avec moi il a beaucoup évolué, il franchit fièrement chaque nouvelle étape, un pas après l'autre, toujours en respectant son rythme qui lui est propre.

C'est lui qui a accepter cet entretien avec la journaliste, rien ne lui a été imposé, c'était le bon moment pour lui.

je veux que ce qui m'est arrivé n'arrive pas aux autres.


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